Le secteur extractif renvoie généralement à la prospection, l’exploitation et l’économie des ressources minières et des hydrocarbures. Le développement de ce secteur s’est toujours fait à travers la promotion des investissements nationaux et surtout internationaux, dont les coûts très lourds ont favorisé l’accord d’avantages fiscaux entre autres. Ces avantages intervenant quasiment dans la phase amont (recherche ou prospection, développement et exploitation) étaient octroyés par diverses sources légales.
Cette pluralité de sources et la conséquence de ces subventions fiscales ont eu certes des impacts positifs mais ont par ailleurs engendré des effets néfastes dans l’environnement des affaires et budgétaires de nature à susciter une réforme en ce sens en 2012. Le premier paragraphe de l’exposé des motifs de la loi 2012-32 du 31 Décembre 2012 modifiant diverses dispositions législatives relatives aux régimes fiscaux particuliers est assez explicite sur ce précédent point relaté.
Il dispose : « L’étude sur les dépenses fiscales au titre des années 2008 et 2009 par les services du Ministère de l’économie et des Finances a révélé une multiplicité de mesures de dépenses fiscales dont le coût financier est très important en proportion des recettes budgétaires des mêmes années. De même, il a été noté une forte dispersion de ces mesures contenues dans plusieurs textes de loi. Ainsi le CGI renferme l’ensemble de la législation de droit commun, le dispositif dérogatoire est contenu dans les textes épars, ce qui est de nature à entraver la cohésion du système fiscal et à créer une situation qui n’assure pas aux opérateurs économiques désireux d’investir au Sénégal les meilleures conditions de choix du régime fiscal le plus approprié … ».
Ce constat étayé est dès lors le point nodal de cette grande réforme dont les implications (1) aideront à mieux cerner les buts visés par cette loi même si à l’application ou dans la mise en œuvre, de nombreux écueils sont relevés (2) en particulier dans le secteur extractif.
1- Les implications de la transposition des dispositions dérogatoires dans le CGI
L’essentiel de la volonté des autorités Étatiques à travers cette loi est certes de rationaliser les dépenses fiscales, mais surtout d’avoir une lisibilité sur les sources ou bases légales des dépenses fiscales notamment dans les industries extractives. En effet ces dernières ne cessent de connaitre depuis 2012 une augmentation de détenteurs de titres miniers dans les sites de recherche et de prospection de substances minérales ou d’hydrocarbures.
Cette transposition salutaire a créé une centralisation textuelle et fonctionnelle du droit fiscal dérogatoire. En effet, le Code Général des impôts issu de la loi 2012-32 du 31 Décembre 2012 est le nouveau siège de l’ensemble du dispositif incitatif, et par conséquent, emporte la centralisation du suivi et du contrôle de l’application rigoureuse des mesures fiscales avantageuses afin de prévenir et sanctionner tout détournement d’objectif sur les exonérations accordées.
Par conséquent tout le dispositif fiscal qui était contenu dans la loi 98-05 du 08 Janvier 1998 portant code pétrolier ancien, la loi 2003-36 du 24 Novembre 2003 portant Code minier ancien, la loi 2004-06 du 06 Février 2004 portant Code des investissements et la loi 2007-25 du 22 Mai 2007 accordant des avantages dérogatoires au Code des investissements et au Code minier pour des investissements de plus de 250 milliards ont été transposé dans le Code Général des Impôts. Par ricochet, les mesures fiscales qui existaient dans ces codes y sont abrogées. Ainsi donc, toute réforme postérieure dans le domaine extractif respectera cette nouvelle démarche juridique en ne prévoyant pas des dispositions dérogatoires dans les textes.
Cependant cette volonté connaitra de nombreux écueils du fait d’une part au recours à d’autres instruments dérogatoires nationaux et d’autre part aux limites du régime de droit commun incitatif.
2- Les écueils à l’effectivité de la transposition
Tout d’abord concernant le recours à d’autres instruments juridiques dérogatoires nationaux, il y lieu de mentionner les lettres ou arrêtés ministériels accordant des avantages aux sociétés titulaires de titres de prospection de recherche ou d’exploitation qui ne sont pas donc d’origine législative. Ils sont le siège non seulement de l’accord d’avantages fiscaux mais posent surtout le problème de leur application. Généralement on assiste à des interprétations et compréhensions totalement différentes entre l’Administration fiscale et les bénéficiaires, ce qui engendre de nombreux contentieux fiscaux. Il y a aussi les conventions d’investissement inter – États qui sont de véritables niches de dispositions dérogatoires. Pourtant l’article 67 de la Constitution du 22 Janvier 2001 donne à la loi la compétence de prévoir les règles d’impositions de toute nature, d’assiette et de recouvrement.
Ensuite le régime de droit commun n’a pas totalement rempli tous les objectifs assignés. Certes la lecture et la recherche des sources des dérogations fiscales sont plus accessibles, mais on assiste aussi à un accroissement des dépenses fiscales en matière extractive qui rapportées aux recettes fiscales connaissent des progressions exponentielles. En 2013, que nous prenons comme année charnière correspondant à la première année d’application de la loi 2012-32 précitée, les dépenses fiscales correspondaient selon le rapport en la matière du Ministère des Finances et du Plan de la même année qui a été le seul à spécifier la part du secteur extractif contrairement au dernier rapport publié de 2014, à 40 % des 1344 milliards de recettes fiscales. Le secteur minier représentait la part la plus importante à savoir 24 % des dépenses fiscales. En nous référant à la liste des permis et concessions du cadastre minier et des conventions minières, ainsi qu’à la liste des permis de recherche d’hydrocarbures et des contrats pétroliers en cours de validité de 2012 à 2019, le nombre de titulaires de ces titres recensés et publiés par l’Initiative pour la Transparence dans les industries extractives a fortement cru et par conséquence les avantages fiscaux accordés.
Puis il y a l’existence des clauses de stabilité aussi bien à travers l’article 72 de la loi 2019-03 du 01er Février 2019 portant Code pétrolier, l’article 141 de la loi 2016-32 du 08 Novembre 2016 portant Code Minier et l’article 17 du Règlement n° 18/2003/CMUEMOA du 23 Décembre 2003 portant Code Minier Communautaire qui permettent le maintien et le renvoi au régime dérogatoire qui existait dans les anciens codes pour les titulaires de titres miniers ou pétroliers avant l’avènement de la loi 2012-32. Enfin, il faut noter la suprématie du droit communautaire sur le droit législatif incitatif. En effet, l’article 20 du Règlement de l’UEMOA précité dispose que « La fiscalité applicable aux titulaires de titres miniers relatifs à la petite mine et à l’exploitation minière artisanale ainsi que les avantages qui leur sont concédés font l’objet d’un texte communautaire spécifique. »
En définitive, il est à souligner que cette transposition fiscale des dispositions dérogatoires qui étaient contenues dans d’autres textes vers la loi 2012-32 a permis non seulement de faire la distinction entre les exonérations de nature fiscale et les exonérations d’autre nature, mais aussi a permis d’avoir une meilleure traçabilité des sources des exonérations et de proscrire tout avantage fiscal accordé mais non prévu parle le CGI. Cependant le concours effectif et sans ménagement des autres administrations intervenant dans le secteur extractif est incontournable pour une application rigoureuse du régime incitatif de droit commun, mieux lutter contre les exonérations fiscales détournées de leurs objectifs et surtout avoir une maitrise des avantages découlant des décisions ministérielles et des conventions d’investissement et soutenir l’action de rationalisation des dépenses fiscales dans le secteur extractif.
Papa Atoumane NGOM, Juriste-Fiscaliste