Les progrès des technologies de l’information et de la communication ont, aujourd’hui, dématérialisé d’une manière assez conséquente les activités humaines. Par ricochet elles ont également fait évoluer le quotidien des utilisateurs en leur offrant une palette de produits et de services. En effet, les possibilités technologiques sont de plus en plus utilisées pour s’exprimer, s’informer, communiquer ou tout simplement faire des affaires. Dans la dernière hypothèse, il s’agit de commerce électronique ou du « e-commerce ».
1- Le cadre juridique du e-commerce
Intimement lié à l’essor des Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication (NTIC), le commerce électronique part du principe selon lequel des relations marchandes sont effectuées par le biais d’un support numérique.
Il est de ce fait défini par l’article 8 de la loi n° 2008-08 du 25 janvier 2008 sur les transactions électroniques comme étant : « l’activité économique par laquelle une personne propose ou assure, à distance et par voie électronique, la fourniture de biens et la prestation de services ». Il concerne également : « les services tels que ceux consistant à fournir des informations en ligne, des communications commerciales, des outils de recherche, d’accès et de récupération de données, d’accès à un réseau de communication ou d’hébergement d’informations, même s’ils ne sont pas rémunérés par ceux qui les reçoivent ».
Il existe principalement deux formes de conclusion dans le commerce électronique. Dans la première appelée partiel ou off-line, le contrat est conclu de manière électronique mais la prestation ou la livraison est matérielle. Dans la seconde dite total ou on-line, la conclusion du contrat aussi bien que la livraison ou la prestation sont électroniques.
S’agissant du consommateur, dans le cadre du droit sénégalais, la notion est mentionnée dans la loi n°94-63 du 22 août 1994 sur la concurrence, les prix et le contentieux économique. Cela dit, elle n’y fait l’objet d’aucune définition. C’est avec l’Acte Uniforme sur le Droit Commercial Général de l’OHADA de 1997 où la notion sera définie dans l’article 203 comme « toute personne qui agit à des fins qui n’entrent pas dans le cadre de son activité professionnelle ».
En revanche, l’incompréhension gît aujourd’hui dans le fait que cette dite définition ne figurera nulle part dans le nouvel Acte Uniforme sur le Droit Commercial Général adopté le 15 décembre 2010 à Lomé. En tout état de cause, s’il y’ a une chose à retenir par rapport au concept « consommateur », est qu’il peut être défini comme toute personne qui se voit proposer ou accepte une offre de contrat portant sur un bien ou un service à des fins non professionnelles. Ce consommateur, fait-il l’objet d’une protection dans les relations contractuelles dites électroniques ?
2- La volonté exprimée du législateur de protéger le consommateur dans le e-commerce
L’impérieuse nécessité de protéger le consommateur est de premier ordre pour le législateur sénégalais. En effet, c’est avec la loi n°2008-08 du 25 janvier 2008 sur les transactions électroniques, la loi n° 2008-11 du 25 janvier 2008 portant sur la Cybercriminalité et le décret n°2008-718 du 30 juin 2008 relatif au commerce électronique que l’on assiste à la naissance d’un véritable droit de la consommation à l’échelle numérique.
- Le droit à l’information
Avec l’avènement du commerce électronique, le législateur a consacré une obligation spéciale d’information au profit du consommateur à travers l’article 10 de la loi sur les transactions électroniques et met à la charge de toute personne exerçant le commerce électronique, l’obligation de s’identifier auprès de ses cocontractants et de leur communiquer ses prix en précisant les frais et taxes qui y sont compris.
C’est avec précisément l’article 24 de la loi sur les transactions électroniques qui prévoient les informations à porter à la connaissance du consommateur et les articles 8, 9 et 20 du décret relatif au commerce électronique. Conformément à l’article 24 de la loi précitée, l’offre doit contenir les caractéristiques essentielles du bien ou service proposé, son prix et les différentes composantes du prix tels les taxes et frais, la monnaie de référence, les modalités de paiement du prix et les possibilités de crédit pour le consommateur. Quand l’offre est archivée, ses modalités d’archivage et de consultation doivent être aussi précisées.
Le professionnel est également tenu aux termes de l’article 8 du décret précité, de mettre à la disposition du consommateur, avant la formation du contrat, toutes les données permettant de rentrer en accord avec lui. Il s’agit du nom de son directeur de publication éventuellement, de ses adresses électronique et postale pour les réclamations et de ses numéros de téléphone et fax. Il a en plus, l’obligation de communiquer les mesures mises en place pour assurer la protection des données personnelles de ses cocontractants de même que les conditions relatives à la formation du contrat, sa durée, ses modalités de résiliation et son coût.
Par ailleurs en droit sénégalais, lors d’une survenance de contestations relatives au respect de l’obligation d’information, la charge de la preuve d’une communication dans les délais prévus par la loi et que le consommateur ayant donné son consentement et sa confirmation incombe au professionnel. Cette protection tant recherchée est également renforcée par un droit de rétractation au profit du consommateur.
- Le droit de rétractation
L’article 12 du décret relatif au commerce électronique accorde au consommateur ayant conclu un contrat par voie électronique le droit de se rétracter sans indication de motif et sans pénalité dans un certain délai bien entendu.
Toutefois, ce qui semble être une anomalie liée à la consécration de ce droit se situe dans le principe qui estime comme lien irrévocable le contrat légalement formé entre les parties tel que c’est prévu par l’article 96 du Code des Obligations Civiles et Commerciales (COCC).
Il convient alors de s’interroger si ce droit de rétractation trouve son fondement dans la nécessité de protéger le consommateur ? Un petit glissement en droit français permet de recueillir l’avis de Thyraud, dont pour lui « Le Code civil avait admis que le consentement servant de base à un contrat puisse être vicié par le dol ou la violence. Il existe de notre temps un autre vice du consentement plus subtil : la séduction (…) ».
Le droit de se rétracter est soumis aussi bien à des conditions de fond que de forme. Par rapport aux conditions de fond, l’article 15 du décret relatif au commerce électronique précise que la rétractation ne peut intervenir que lorsque le consommateur a la possibilité d’essayer le bien commandé ou d’en faire usage sans que l’exécution du contrat ne soit instantanée.
Cela signifie donc que toutes les fois où l’exécution du contrat se fait d’un trait et qu’il est impossible de tester la chose commandée, la faculté de rétractation disparait. Les contrats concernés sont déterminés par l’article 16 du même décret, sauf convention contraire.
Pour ce qui est des conditions de forme, l’article 12 in fine précise que la rétractation peut être effectuée sur tout support durable. En d’autres termes, elle peut se faire sur tout support permettant de laisser une trace écrite et qui se conserve pour une longue durée mais dans un délai de sept jours ouvrables. Toutefois, lorsque le professionnel n’a pas satisfait à l’obligation spéciale d’information étudiée plus, le délai est de trois mois.
La computation du délai commence pour les services à compter de la conclusion du contrat et pour les produits, de leur réception. Tel est le sens de l’article 14 du décret.
Le professionnel quant à lui est tenu de restituer sans frais et dans les mêmes conditions de paiement, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la rétractation, toutes les sommes reçues en exécution des termes du contrat, exceptés le prix du service effectivement fourni et les frais directs de renvoi.
- Les sanctions
Le non-respect des exigences relatives à l’obligation d’information est sanctionné aux termes de l’article 431-48 de la loi sur la cybercriminalité qui prévoit que les dispositions de l’article de 431-44 de la présente loi fixe une peine d’« emprisonnement de six (6) mois à un (1) an et d’une amende de 100.000 francs à 500.000 francs ou de l’une de ces deux peines seulement ».
Le non-respect également du professionnel à restituer sans frais et dans les mêmes conditions de paiement, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la rétractation, toutes les sommes reçues en exécution des termes du contrat, exceptés le prix du service produise de plein droit des intérêts calculés au taux légal en vigueur. De plus, il s’expose à une peine d’emprisonnement de six (6) mois à un (1) an et d’une amende de 200 000 francs à 2 000 000 francs ou de l’une de ces deux peines seulement sur le fondement de l’article 431-49 de la loi sur la cybercriminalité.
Cherif El Waly DIARRA, Juriste en droit des affaires et en droit numérique
3 Comments
Cheikh
Machallah mon frère. c’est un article très pertinent.
MOUSTAPHA DIOUF
très belle plume.
Hamedine
Article très intéressant, riche en informations .
Nous attendons avec impatience la prochaine publication