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La loi n° 2020-14 du 08 avril 2020 modifiant la loi n°2017-27 du 28 juin 2017 portant création, organisation et fonctionnement des Tribunaux de Commerce et des Chambres Commerciales d’Appel

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Dans l’optique d’assurer le désengorgement des juridictions ainsi que la réduction des délais et coûts de procédure et de promouvoir, par la même occasion, une justice de qualité dans le domaine commercial, il a été institué la loi N° 2017-27 du 28 Juin 2017 portant création, organisation et fonctionnement des Tribunaux de Commerce et des Chambres Commerciales d’Appel. A côté des modes de règlement alternatif des conflits (arbitrage, médiation, conciliation) dont le rôle est de dénouer les litiges commerciaux, ce texte vise à renforcer la protection des investisseurs par le recours à une justice étatique qui comprend mieux et assimile les spécificités du milieu des affaires.

Les Tribunaux de Commerce sont définis par la loi 2017-27 comme les juridictions spécialisées compétentes pour juger en premier ressort les affaires commerciales, c’est-à-dire les litiges relatifs aux actes de commerce (achat de marchandises pour les revendre, lettres de change, opérations de banque, engagements nés à l’occasion du commerce). Ils ont aussi compétence sur les litiges concernant les sociétés commerciales notamment les incidents relatifs à la cessation des paiements, au redressement et à la liquidation judiciaires des entreprises.

Presque trois ans plus tard, tirant les conséquences de la pratique, le législateur sénégalais a jugé utile d’approfondir l’expérience judiciaire sénégalaise en matière commerciale. Avec l’évolution rapide du monde des affaires et la volonté manifeste de s’adapter aux nouvelles circonstances économiques, la loi N°2020-14 du 08 Avril 2020 a été adoptée. Celle nouvelle loi abroge et remplace certaines dispositions de la loi 2017-27 du 28 Juin 2017. Ainsi des modifications sont à noter avec l’arrivée de cette nouvelle loi notamment :

1. Au niveau de l’attribution des règles de compétence

a) La clarification des règles de compétences des Tribunaux de Commerce et des Chambres Commerciales d’Appel

  • La loi 2020-14 est plus claire que celle de 2017 dans la détermination des compétences des Tribunaux de Commerce et des Chambres Commerciales d’Appel. L’article 3 modifié écarte toute autre attribution, ce qui n’était pas le cas avec la loi 2017-27. Donc, avec la modification de l’article 3, la compétence des Tribunaux de Commerce et des Chambres Commerciales d’Appel est exclusivement déterminée par la loi 2020-14.
  • De même, la loi 2020-14 élargit les compétences des Tribunaux de Commerce prévues par la loi 2017-27 à travers son article 7. Ainsi, l’article 7 modifié prévoit désormais que les Tribunaux de Commerce sont compétents pour connaitre des instances relatives à l’exécution fondée sur une décision de justice d’une juridiction commerciale ou un acte notarié constituant une garantie en matière commerciale, dont la saisie immobilière.

b) La réduction du seuil de compétence en dernier ressort des Tribunaux de Commerce

La loi 2020-14 a modifié le niveau de compétence des Tribunaux de Commerce en réduisant le taux du litige qui ressort de leur compétence en premier et dernier ressort. Avec la loi 2017 le taux d’un tel litige était fixé à 25 000 000 FCFA alors qu’avec l’article 8 de la nouvelle loi, ce taux est ramené à 10 000 000 FCFA. Ainsi, avec cette disposition, au-delà de ce montant, les Tribunaux de Commerce ne sont compétents qu’en premier ressort. Il en est de même si le montant du litige est indéterminé. Le cas échéant, la partie non satisfaite peut faire appel auprès des Chambres Commerciales d’Appel. 

2. Au niveau de la composition et de l’organisation des Tribunaux de Commerce

a) Modifications dans la procédure de nomination des juges consulaires

Rappelons qu’à côté des juges professionnels, les juridictions commerciales accueillent aussi des juges dits consulaires, commerçants choisis parmi leurs pairs, pour une durée de trois (03) ans, renouvelable. L’article 9 modifié apporte une légère modification dans la procédure de désignation des juges consulaires. Ainsi, contrairement à son pendant de 2017 qui laissait compétence à la Chambre Nationale de Commerce, d’Industries et de Services et aux Chambres Régionales de Commerce d’Industries et de Services d’établir la liste d’aptitude aux fonctions de juges consulaires, l’article 9 nouveau attribue cette compétence à la Chambre Consulaire du siège du Tribunal de Commerce après concertation avec les Chambres Consulaires du ressort.

L’article 9 nouveau précise que cette liste est transmise au Ministre chargé de la Justice qui nomme par arrêté les juges consulaires titulaires et leurs suppléants.

Dans cette même optique, l’article 11 nouveau prévoit le contenu et les modalités de prestation de serment des juges consulaires. S’ils sont appelés à siéger dans un Tribunal Commercial nouvellement créé, avec la nouvelle loi, les juges consulaires prêtent serment devant ledit Tribunal composé exclusivement de magistrats professionnels.

 b) Précisions sur les modalités d’application du règlement intérieur

Défini par l’Assemblée Générale, instance comprenant tous les membres du Tribunal de Commerce, le règlement intérieur ainsi que ses modifications ultérieures doivent être approuvés par le Ministre de la Justice. Le ton volontiers restrictif adopté par le précédent texte – il ne peut être appliqué qu’après avoir été approuvé– laisse place à une affirmation simple du principe de l’approbation, la portée de cette réécriture laissant dubitatif.

c) Flexibilité remarquée dans le fonctionnement du Tribunal de Commerce

Parmi ses compétences, le Président du Tribunal de Commerce préside la Chambre des Procédures Collectives d’Apurement du Passif ainsi que, s’il le juge nécessaire, toute autre chambre. Avec l’article 21 modifié, le Président peut, désormais, désigner un juge professionnel pour présider une de ces chambres. C’est là une souplesse dans le partage des rôles à l’intérieur du tribunal que ne permettait pas l’ancien texte.

 3. Au niveau des procédures devant le Tribunal de Commerce

Concernant la procédure devant le Tribunal de Commerce, la loi 2020-14 innove en apportant certaines modifications. D’abord, l’article 22-1 prévoit une conférence préparatoire présidée par le juge de mise en état. Cette conférence préparatoire n’était pas prévue dans la loi de 2017. Elle permet de fixer les conditions de déroulement de l’audience.

De même, l’article 22-4 renforce la procédure de règlement en précisant les différentes étapes et les personnes habilitées à y intervenir. Ainsi, avec cette disposition, les Médiateurs et les Conciliateurs sont-ils choisis parmi ceux agréés par l’Ordre National des Médiateurs et Conciliateurs.

En réalité, cet Ordre n’existe pas encore dans notre droit positif et cela n’est pas sans poser beaucoup quant à la pertinence de sa création et de son rôle dans le déroulement de la procédure. En effet, ces Médiateurs, Conciliateurs semblent être imposés aux justiciables qui avait déjà renoncé au règlement alternatif de son contentieux. Par ailleurs, il devra supporter des coûts supplémentaires au titre des honoraires des Médiateurs, Conciliateurs et un ralentissement certain de la procédure.

Dans le but d’assurer la rapidité de la procédure devant le Tribunal de Commerce, l’article 22-5 prévoit le terme « petit contentieux » (moins de 5 000 000 FCFA) à juger dans un délai réduit de 45 jours en cas de non conciliation, situation qui n’était pas prévue dans la loi de 2017.

De la même façon, allant plus loin que l’article 26 de la loi de 2017, l’article 26 nouveau dispose que le Tribunal ne peut faire plus de trois (03) renvois.

Enfin, toujours dans les dispositions salutaires, l’article 27 de ladite loi définit le statut des Conseillers Consulaires au lieu de faire un simple renvoi comme ce fut le cas précédemment.

 4. Au niveau du contrôle des activités des Tribunaux de Commerce et des Chambres Commerciales d’Appel

Les institutions judiciaires commerciales créées fonctionnent sur le modèle du management par la performance avec des indicateurs de performance (mise en place de délais impératifs et réduits), des mécanismes de suivi et d’évaluation. Au centre de ce dispositif, le Conseil de Surveillance déjà prévu en 2017 se voit, aux termes de l’article 34 de la loi 2020-14, doté d’un Secrétariat assuré par l’Administrateur des Greffes.

Pour boucler le cercle d’efficacité projeté, les sanctions aux manquements commis par les juges professionnels et les greffiers, l’article 37 laissait au Conseil de Surveillance la possibilité de saisir le Ministre de la Justice. Ce dernier avait ainsi la possibilité de saisir le Conseil Supérieur de la Magistrature. Désormais, avec le nouvel article 37, il lui est aussi loisible de s’en ouvrir au Conseil de Discipline de la Fonction Publique.

Par Dr Abdoulaye NIANE, Expert Fiscal Agréé – Conseil Juridique

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